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IA : Alliée incontournable, ou ennemie incontestable, de nos préoccupations environnementales ?

Publié le 27 août 2024

  • Data & Intelligence artificielle
  • Transition écologique et sociétale

Cet article a été écrit par Ghislain De Pierrefeu, Partner Wavestone et expert en IA. L’article a été publié dans le quotidien « Le Monde ».

La COP28 a intronisé l’intelligence artificielle (IA) comme instrument de lutte contre le changement climatique, en lançant le « grand défi de l’innovation en matière d’IA » dont l’objectif est d’identifier et de soutenir des solutions alimentées par l’IA dans les pays en développement.

Dans le même temps, les géants de l’IA ont cessé de communiquer sur la consommation d’énergie et de ressources naturelles de leurs data centers depuis que les usages des IA génératives ont explosé (100 millions d’utilisateurs [actifs toutes les semaines] de ChatGPT). Or nous savons, selon les rares études publiques disponibles, qu’une discussion avec ChatGPT consommerait l’équivalent d’une bouteille d’eau, et que le seul entraînement de GPT-3.5 aurait coûté l’équivalent carbone de 136 allers-retours Paris – New-York !

Silence des géants sur leurs consommations

Alors, l’intelligence artificielle est-elle l’alliée incontournable, ou l’ennemie incontestable, de nos préoccupations environnementales ?

On compare souvent la data avec le pétrole, et la révolution de l’IA générative avec celle du moteur à explosion. C’est assez vrai, par la valeur qu’elles créent déjà et qu’elles promettent de générer demain, comme en témoigne la valorisation financière des acteurs de l’IA. C’est hélas vrai aussi en termes d’externalités négatives, comme l’illustre par exemple le projet de data center de Meta à Talavera de la Reina, en Espagne, qui devrait prélever 665 millions de litres d’eau par an dans une région en plein stress hydrique.

Relevons néanmoins deux différences de taille : d’une part, on ne peut plus dire que l’on ne sait pas et, dans ce contexte, on est en droit d’être surpris et démuni face au silence des géants de l’IA sur leurs consommations ; d’autre part, à la différence du pétrole, il n’y a aucun horizon de pénurie en data, bien au contraire. L’Internet des objets, les réseaux sociaux, l’e-commerce en produisent exponentiellement, infiniment plus vite que notre bonne Terre n’arrive à transformer les roches mères en pétrole.

L’IA consomme des ressources pour la production de puces, pour le stockage de données, pour l’entraînement des modèles, pour chaque utilisation, et enfin pour les données qu’elle génère, alimentant ainsi le cycle.

Une vraie rupture

La plupart des IA actuelles (antifraude, marketing, maintenance) utilisent des modèles simples nécessitant des ressources proches d’autres usages numériques. Le traitement du langage naturel et de l’image avait déjà eu des impacts plus significatifs en raison de la complexité pour une machine à comprendre ces productions humaines, nécessitant souvent l’utilisation de réseaux de neurones.

Mais l’IA générative représente une vraie rupture en termes de consommation et d’impact pour trois raisons.

La première est que pour tendre vers une IA dite « générale », les modèles doivent être entraînés sur toutes les données du monde, et pour cela démultiplier les couches et les paramètres du réseau de neurones, ce qui nécessite des capacités titanesques. La deuxième est la génération pour chaque consultation d’une réponse originale, dont chaque mot ou chaque pixel mobilise l’arsenal neuronal complet, ce qui revient un peu à utiliser un lanceur spatial spécifique pour chaque boulon de satellite…

Appétence du public

La troisième est l’appétence du public pour ces nouveaux assistants, créant ainsi un nouvel usage qui risque bien de devenir aussi massif que celui de la voiture, des moteurs de recherche ou encore des smartphones.

A l’heure où les besoins primaires tels que l’alimentation, l’accès à l’eau, le déplacement ou encore le logement deviennent des luxes pour une partie de l’humanité, on est en droit de se demander si parler avec une IA, aussi brillante soit-elle, est bien raisonnable pour sauver notre planète.

L’impact environnemental de l’intelligence artificielle en question

Pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, notons les bénéfices concrets des IA sur l’environnement, des réseaux énergétiques intelligents à la planification d’énergies renouvelables, en passant par le transport multimodal ou le tri des déchets. Dernièrement, les travaux de Claire Monteleoni, titulaire de la chaire Choose France AI et directrice de recherche à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, ont démontré que l’utilisation de données issues de modèles physiques combinée à un réseau neuronal permettait de prévoir la trajectoire des ouragans, phénomènes complexes très difficiles à prédire.

Transparence

Une question demeure sur la contribution positive des IA génératives telles que ChatGPT, parce qu’on en voit aujourd’hui surtout les côtés gadget et parfois négatifs. Mais, en se projetant, on se dit que le potentiel de ces IA, avec leur capacité à proposer des solutions réconciliant des monceaux de données hétérogènes, quand justement les sciences physiques peinent à rapprocher des domaines et des données hétérogènes, est énorme.

Author

  • Ghislain De Pierrefeu

    Partner – France, Paris

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