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La RSE n’a pas dit son dernier mot

Publié le 11 mars 2025

  • Secteur public & institutions internationales
  • Transition écologique et sociétale

Dans cette tribune publiée dans Les Echos en Janvier, Cédric Baecher, Partner Sustainability chez Wavestone, explique pourquoi, indépendamment des changements réglementaires et de supposés « backlash», la question pour les entreprises n’est pas de savoir s’il faut soutenir la transition durable, mais plutôt comment maintenir le cap.

Depuis plusieurs mois, on parle de « backlash » pour décrire un supposé recul menaçant les avancées récentes en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Cette notion, popularisée par l’essai féministe de l’Américaine Susan Faludi (1991), fait référence à une forme de contre-offensive, de résistance organisée face à des progrès sociétaux majeurs.

Des tribunes appellent à sauver l’esprit de la RSE, prophétisent le démantèlement de réglementations comme la CSRD. Des études assurent que les dirigeants s’intéressent plus à l’intelligence artificielle qu’à la RSE… En somme, il faudrait déjouer un complot visant à « revenir au monde d’avant », aveugle et sourd aux défis de notre temps. Pourtant, la transformation durable est en marche ! Toutes les transitions qui la sous-tendent vont se poursuivre cette année, pour trois raisons principales.

Le besoin d’être pragmatique

D’abord, la RSE a changé d’ère et ne peut plus se résumer à une dimension idéologique. Son « cocktail » est passé de 80 % de militance et 20 % de pragmatisme opérationnel, aux proportions inverses. Qu’il faille entretenir la flamme est un fait, mais la question n’est plus de savoir si on est « pour » ou « contre ».

Un grand nombre d’entreprises – assurance, banque, industrie – ont compris les enjeux de la transition pour la pérennité de leurs modèles économiques : risques réglementaires, vulnérabilités physiques, accès aux marchés etc. En 2025, la RSE sera l’affaire de toutes les directions - finances, RH, systèmes d’information – qui inventeront de nouveaux modes de collaboration pour délivrer ensemble les engagements pris par les directions générales.

Ensuite, la RSE est désormais associée à des projets politiques clairs. En Europe, le Pacte vert exprime une ambition de leadership et souveraineté pour l’Union. Qu’il puisse être jugé imparfait et nécessiter des ajustements est une chose. Mais il ne disparaîtra pas d’un coup de baguette magique, et avec lui les cadres réglementaires qui fixent les nouvelles règles. Et nous ne sommes pas les seuls à nous préoccuper de RSE !

Les modes opératoires divergent, mais les grandes économies du monde se dotent de dispositifs de soutien à la transition. Les Etats-Unis pourront difficilement se passer en 2025 des centaines de millions de dollars de subventions injectés dans l’économie par l’Inflation Reduction Act et la Chine pourrait atteindre cette année son pic pétrolier, contre toute attente.

La RSE a changé d’ère et ne peut plus se résumer à une dimension idéologique. Son « cocktail » est passé de 80 % de militance et 20 % de pragmatisme opérationnel, aux proportions inverses. Qu’il faille entretenir la flamme est un fait, mais la question n’est plus de savoir si on est « pour » ou « contre ».

Cédric Baecher

Les stop and go coûtent chers

Enfin, la RSE s’imposera de plus en plus comme une source de solutions pour aider les entreprises à faire face aux bouleversements géopolitiques qui se poursuivront en 2025. Comme le décrit Nicolas Bouzou dans « La civilisation de la peur » (éditions XO, 2024), l’économie est désormais sous domination de la géopolitique.

Les impératifs de sécurité d’approvisionnement – matières premières, eau, énergie – inciteront les entreprises à accroître leurs mesures d’efficacité, de sobriété, de recyclage, qui relèvent toutes de la transformation durable. Dans un monde complexe et instable, il sera encore plus important de « garder le cap » – les « stop-and-go » coûtent cher – et de continuer à capitaliser sur les investissements déjà engagés.

Les entreprises qui ont compris ces enjeux poursuivront leurs efforts avec constance et confiance, passant du reporting à l’action, de la stratégie à l’impact. Elles seront gagnantes sur le long terme.

Celles qui préféreront se laisser berner par la théorie du « backlash » baisseront la garde, justifiant des « pauses » dans leurs ambitions environnementales et sociales, avec la confortable illusion d’avoir raison à court terme. Leur réveil, d’ici à quelques années, sera douloureux.

Auteur

  • Cédric Baecher

    Partner – France, Paris

    Wavestone

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